Pour changer les autres, vous devez changer vous –mêmes

“Je m’appelle Shaban Luono, je suis Agent Forestier de District à Miombo dans le Sud-Ouest de la Tanzanie. Il y a de cela vingt-cinq ans, il n’y avait pas beaucoup de gens ici. C’était une zone de forêt sèche avec beaucoup d’espèces différentes. Les Masaï parcouraient la forêt toute l’année avec leurs troupeaux. Ils cueillaient les fruits des arbres et prenaient soin de la forêt en tant que gardiens non officiels.
A cause de tous les changements politiques et économiques dans le pays, de nouvelles personnes sont arrivées pour chercher des terres cultivables et des habitations. Ils se sont également promenés dans toute la forêt et ont commencé l’exploitation forestière et la braconnage. Notre gouvernement a réagi à travers une législation: la nouvelle loi forestière interdisait toutes les activités dans la forêt de Miombo aussi bien par les Masai que par les nouveaux arrivants. Nous les fonctionnaires du service des forêts, nous étions chargés de veiller à la mise en œuvre et à l’application de la loi. Je suis venu d’Arusha jusqu’à Miombo et avec mes collègues je dois patrouiller cette vaste zone. Dès le départ, cela nous a mis dans une position: c’était nous contre les communautés. Nous – les protecteurs de la forêt – contre eux – les ennemis de la forêt-. A première vue, je ne peux pas dire que nous avions beaucoup de succès : l’exploitation forestière et le braconnage avaient même augmenté.
Les communautés ont besoin de la forêt. Ils ont formé des Comités Environnementaux pour prouver au gouvernement qu’ils pouvaient gérer la forêt eux-mêmes. Chaque Comité a mis en place un règlement intérieur pour l’utilisation durable de la forêt. Ils sont venus à notre bureau pour nous faire approuver ce règlement intérieur selon les bonnes procédures juridiques. Il nous a fallu beaucoup de réunions dans notre bureau et dans les villages pour surmonter nos suspicions et nos préjugés selon lesquels nous étions les seuls à savoir ce qui était bon pour la forêt. Lentement, nous avons commencé à leur faire confiance, car à travers nos réunions dans les villages, nous avions vu certaines bonnes pratiques prometteuses. Finalement, nous avons accepté le règlement intérieur. Et nous avons réalisé que dans le processus, nous avions aussi changé: en passant du rôle de policiers à celui de conseillers. Dès que nous avons quitté ce rôle de policiers, les villageois ont assumé plus de responsabilités pour une gestion durable de la forêt.
Aujourd’hui, en lieu et place du harcèlement des populations, une amitié s’est instaurée entre elles et nous. Nous venons dans nos voitures pour vérifier l’état de la forêt, prenons tranquillement le thé dans le village, répondons aux questions du Comité Environnemental et donnons des conseils sur les problèmes de gestion. Notre travail est devenu beaucoup plus satisfaisant. L’exploitation forestière illégale et le braconnage ont été maintenant maîtrisés.”
En 2002, la Communauté Forestière de Suledo a été lauréate du Prix Equateur. Nous vous racontons une histoire basée sur une étude de cas et la vidéo qui l’accompagne. Nous avons choisi de la raconter du point de vue d’un forestier. Collection d’études de cas du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement). 2012. Suledo Forest Community, Tanzania. Equator Initiative Case Study Series. New York, NY.